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 Le dormeur du Val d' Artur Rimbaud

Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d’une bataille,
Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Il lui sembla dans l’ombre entendre un faible bruit.
C’était un Espagnol de l’armée en déroute
Qui se traînait sanglant sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide, et mort plus qu’à moitié.
Et qui disait: ” A boire! à boire par pitié ! ”
Mon père, ému, tendit à son housard fidèle
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
Et dit: “Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. ”
Tout à coup, au moment où le housard baissé
Se penchait vers lui, l’homme, une espèce de maure,
Saisit un pistolet qu’il étreignait encore,
Et vise au front mon père en criant: “Caramba! ”
Le coup passa si près que le chapeau tomba
Et que le cheval fit un écart en arrière.
“Donne-lui tout de même à boire”, dit mon père.

Victor Hugo 

Ou encore


Ce jour là,
Il faisait froid,
Un froid glacial,
Un froid à mourir,
Le soldat
ne sentait rien.

Un cri silencieux
au ralenti.
Son arme lourde,
un lourd engourdi.
Une bouche crevassée
et un goût trop sec.

Le blanc de la terre
jusqu’à l’horizon.
Une douleur sans fin
et sans raison.
Partout déchets de corps,
et du sang mélangé.

Parmi ce ravage,
En duo chantent
une cornemuse et une voix,
illuminées,
par un feu invisible.
Silhouettes d’homme
s’approchent de la musique
Comme des étincelles de feu
dans une neige gelée,

Cet instant unique
dans l’histoire du monde.
Hommes réchauffés
pour survivre une journée.
Courageuse et inspirée,
Cette harmonie des ennemis.

 

Chloe Douglas, 2009